Avec le président Vincent AURIOL

 

Est-ce en 1947 ou bien en 1948 que le Président de la République Vincent AURIOL passa par notre ville pour aller s’embarquer sur un navire de guerre qui devait l’amener à Dakar ? Je ne puis le préciser, mais le fait est historique. A cette occasion, le sous-préfet de la cité avait réuni dans son salon de réception, qielques personnalités et divers délégués syndicaux ; à ce dernier titre j’en faisais partie et il y avait parmi nous Félix GOUIN, premier président de l’Assemblée Nationale Constituante et Chef du Gouvernement en 1946 .

Lorsque Vincent Auriol entra dans la pièce où nous étions, accompagné du sous-préfet et bardé de son écharpe tricolore, le premier qui s’avança pour l’accueillir fut Félix Gouin et l’on assista avec amusement à l’échange verbal et spontané suivant : " Oh !Félix ! (dit le président)-Oh ! Vincent ! (répondit Félix GOUIN) ", chacun avec l’accent joyeux de son terroir. Et, se précipitant dans les bras l’un de l’autre, ces deux personnalités se donnèrent une chaleureuse accolade, simplicité toute républicaine et très méridionale qui nous mit tous en joie.

Après cela, le Président de la République vint serrer les mains de la dizaine de personnes alignées dans le salon:. Une blessure de guerre avait altéré le visage de Vincent Auriol au niveau de l’un de ses yeux probablement remplacé par un oeil de verre ; les regards ne convergeaient malheureusement plus et quand il vint vers moi, j’eus l’impression qu’il me servait la main en regardant la personne suivante, mais la poignée était franche et loyale.

Vincent Auriol (on disait familièrement :Vincent–t-Auriol), qui avait adopté la sérénité et la prestance d’un président de la république avait été un rude et fameux jouteur politique, malgré son allure débonnaire. J’avais pu admirer son sang froid et ses mordantes réparties à l’occasion d’une mémorable et houleuse séance de la Chambre des Députés, pleine à craquer, même dans les balcons du haut desquels j’avais pu assister lors d’un passage à Paris.

Je devais revoir le président à l’occasion de sa visite à l’Université d’Alger en 1950. Un discours aux étudiants lui avait été préparé par son secrétaire particulier qui s’était confié à moi à ce sujet. Pour une raison qui m’échappe, l’accueil des étudiants fut d’abord agité et devant ce chahut auquel il ne s’attendait pas, le Président retrouvant sa verve des grands jours, relégua son discours dans sa poche et harangua son auditoire avec beaucoup de flamme et de conviction qui entraînèrent les plus vifs applaudissements.

Avec lui disparut l’un des derniers modèles d’orateurs de la République.

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