POETES MECONNUS OU OUBLIES

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De Hâfiz : poète Persan(1325/1389)

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DANS LE JARDIN DES ROSES, HIER

 

 

Dans le jardin des roses, hier, l’aube pointait. La nuit passée, dans mon ivresse s’effaçait. J’étais pareil au rossignol.

Dans son éclat, je contemplais la rose rouge à peine éclose.
la sombre nuit se déchirait, la rose en était le flambeau.

D’être nouvelle et la plus belle donnait tant d’orgueil à la rose qu’elle s’ouvrait sans s’inquiéter du rossignol, ni de son chant.

Le beau narcisse se dressait, pleurait de désir. La tulipe s’échancrait et se déchirait et se blessait en ses tourments.

Le lys tendait son long pistil, langue et poignard pour la querelle, et l’anémone allait s’ouvrir, bouche basse des délateurs.

Alors tantôt flacon en main, fidèle au geste de l’ivresse, tantôt la coupe entre les doigts comme les échansons le font.

Sois cette rose aussi, Hâfiz, toute aux plaisirs de la jeunesse !
Je passais, le jour se levait, je ne voulais que t’avertir.

 

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Tiré de l’œuvre poétique de Hâfiz :le livre d’or du Divân ;
nouvelle version française par Pierre Seghers.

VIctor Hugo, à vingt deux ans, sera l e premier en France
à citer Hâfiz, en épigraphe aux Odes : 

" Ecoutez , je vais vous dire des choses du cœur "

Pour Hâfiz, qui chante d’intuition, comme les oiseaux , la poésie est une nécessité du dedans, instinctive, organique.. Avant tout, Hâfiz sera tout entier Amour. Aux portes de la mort, ne confie-t-il pas :

" Tout vieux que je suis, l’amour d’un adolescent s’est logé dans ma tête, et voici divulgué le secret de mon cœur. " (Notes de l’Edition SEGHERS-Paris 1978)