En juin 1943, je reçus d’Henri Chrétien, professeur d’optique géométrique à l’Institut d’Optique de Paris, une lettre m’informant qu’il n’avait malheureusement pu me contacter à la suite de ma conférence du 8 mai 1943 présidée par Louis LUMIERE. Il me demandait si, dans mon laboratoire, je pouvais traiter, par mon procédé (voir Rencontre avec Louis LUMIERE) des pièces optiques dont il me donnait les dimensions .

J’accédais à sa demande et lui rendis ce service . Des relations continuèrent à s’établir entre nous qui m’amenèrent à lui faire une visite St Cyr les Lecques où l’Institut d’Optique était replié à l’hôtel des Palmiers face à la grande plage.

J’étais déjà venu en ces lieux puisque son directeur, le grand savant Charles Fabry(°), s’intéressait à mes travaux . Auprès de lui, je rencontrais donc pour la première fois Henri Chrétien. Celui-ci, un petit homme mince, nerveux, à barbiche poivre et sel, était l’inventeur , depuis 1925, d’une pièce d’optique qu’il avait baptisée Hypergonar ; elle permettait de ramasser singulièrement une image dans sa largeur et de la restituer très étalée sur un écran. Je ne savais pas à cette époque qu’Henri Chrétien (1879-1956) deviendrait célèbre sur ses vieux jours en cédant tous ses droits sur l’Hypergonar à une firme américaine (la 20^th Century Fox) ; invention qui devait être à la base des projections cinématographiques en cinémascope ; procédé de projection sur grand écran dont Chrétien avait fait ,en France pendant des décennies, des démonstrations qui n’avait pas tellement retenu l’attention du grand public.

A vrai dire le cinéaste français Claude Autan-Lara avait projeté par ce moyen en 1930 un film " Construire un feu " qu’il avait été obligé de retirer de l’affiche à la demande du Syndicat des Exploitants, " l’Hypergonar constituant pour les autres salles une concurrence déloyale !" La nouvelle de l’achat de cette pièce par la firme américaine entraîna curieusement en France un tollé général.

Avec la célébrité outre-atlantique, Chrétien en retira, tardivement, un certain profit sans comparaison avec ceux de l’utilisation ultérieure de son invention dans le monde. Henri Chrétien n’en jouit pas longtemps. Il fut amené à faire à 75 ans, aux Etats-Unis, des voyages qui ruinèrent sa santé et mourut peu après.

On trouve bien quelques lignes concernant ce savant dans un bon dictionnaire et davantage en particulier sur le web mais il faut que quelqu’un vous en signale l’ existence  Ce que je fais ! Je garde aussi un excellent souvenir de mes entretiens pratiques avec cet inventeur trop méconnu. Nul n’est prophète en son pays.