LUNE ROUGE


Elle sort-et fait :coucou !-de derrière la forêt,

Engageant lentement sa tête dans les cieux ;

Pierrot est tout ému quand elle lui apparaît .

Elle vient de faire coucou,  la petite coquine ?

Ronde et argentée : coucou, me revoilà !

Certains ont dû penser qu’il guettait Colombine,

Lui, dont le cœur soupire, attendait - toujours là !

*

Il se rappelle encore, alors qu’il devient vieux,

Des lunes d’autres fois ;quand il était enfant,

Blafardes, insolites, elles interrogeaient

Son jeune esprit pensif ; il s’était engagé :

Il avait épié ses mers et ses volcans

A l’aide de lentilles et de tubes emmanchés

Et ses hautes montagnes, en désirant chercher

L’Etre mystérieux entouré de silence

Dont il croyait pouvoir découvrir l’existence.

*

Il quitte alors son rêve, et cette lune blême

Qui sur les bords du lac projette sa clarté

Tente à le renvoyer tout au fond de lui même.

L’air pur est si léger par ce beau soir d’été

Qu’il s’assoupit heureux aux pieds des symphorines,

Plaquant quelques accords avec sa mandoline.

*

Pierrot s’est endormi, se réveille soudain.

Légèrement brumeux, à quatre heures du matin,

Le ciel laisse paraître à travers le halo,

Devenue toute rouge, la pâle Séléné

Dont les rayons caressent la surface de l’eau

Exposant sur le lac un tableau de Monet

Que l’on pourrait nommer si cela nous enchante :

" Impression la nuit d’une lune couchante."

Devant tant de beauté, alors qu’elle décline,

Salue la lune rouge, pensant à Colombine,

Notre gentil Pierrot pinçe sa mandoline.


Le Vézenay-Août 2000