PRINTEMPS

Par ce matin de fête,
Le vieillard est en quête
D’un lieu particulier :
Une vaste prairie
Cernée de bois fleuris
Est l’endroit familier

*

Tout prés d’une glycine
Au milieu des lilas
Un pan de mur en ruine
Envahi par le lierre
Sera son siège, en pierre ;
Il s’arrêtera là.
De blanches pâquerettes
A ses pieds oubliées
Offrent leurs collerettes
Au soleil printanier.

*

Les regarde, en rêvant,
Redevenu enfant,
Il les voit de très prés :
Les voit se réunir,
Puis les voit se grandir.
Elles partent, se répandent
Jusqu’au milieu des prés,
Formant une guirlande
Pour gnomes et lutins
Qui sont sortis des bois,
Un Faune les fait danser
Dans l’air pur du matin
Avec sa flûte en bois.
Tout au cœur de la danse
Sont des amis d’enfance
Et tout ce petit monde
S’engage dans la ronde

*

Les ans se sont passés,
Au cœur de ses pensées :
Il est à l’âge mur :
Il regarde les prés
Et s’éloigne du mur.
Le faune a disparu,
Compagnons envolés,
Les fleurs n’y sont plus,
Et les amis non plus.
Et il vient d’écraser
Les pauvres pâquerettes.
Ayant ainsi quitté
Toutes puérilités,
Les années écoulées
Lui montent à la tête
Adonné au labeur
Il s’est livré à fond
Et reçut les honneurs
Cette réalité,
Apparue à ses yeux,
Dans la tranquillité
Inouie de ces lieux,
Lui semble un puits sans fond
Où toutes ses actions,
Des actions inédites
Et hardiment construites,
Furent souvent détruites.
Ces idées pessimistes
Rendent le vieux bien triste

*


Soudain une clarté
Pleine de vérité
Habite son esprit
Oui ! Il a dû construire
Tout au long de sa vie ;
Il reste à découvrir
Le sens de cette vie :
Etre présent à soi ,
Ainsi qu’² à son prochain.. 
Il s’en va vers les bois
Emerveillé soudain
Par la grande beauté
De ces hautes futaies
Il marche vers l’orée
Où un ciel azuré
Un vrai ciel de printemps
Passe en lui, maintenant,
Ce qu’il va reconnaître
C’est, dans la Création,
La gratuité du Don.

 
 
 
Champagne au Mont d’Or
Avril/Mai 2000