UN ROI AU DESERT

 

Notre association internationale participa à un grand congrès qui se tint au Collège du Pétrole et des Minéraux du Campus de l’Université de Dhahran (Arabie Saoudite). Placé sur une plate forme rocheuse, dernier reste d’érosion, le Campus pourvu des moyens techniques et domestiques les plus modernes domine le désert à travers lequel on peut deviner, au loin, le golfe Persique (Arabique, dit-on ici).

Invité à prendre la parole après le Recteur de l’Université, puis le Ministre du Pétrole et des Minéraux, je prononçais le discours d’ouverture du Congrès.

L’organisateur local avait, selon l’usage, préparé soigneusement les actes de cette grande manifestation ainsi que les excursions et visites destinées aux dames ainsi que celles de tous les participants, y compris les mondanités et autre soirée folklorique.

Au cours de l’une des excursions qui s’était terminée de façon tardive, les congressistes purent admirer le spectacle nocturne d’un désert en flamme au ras du sol, dû au gaz excédentaire que l’on laisse brûler à l’air libre pour assurer la sécurité des installations pétrolières. Visitant, dans la journée une oasis alimentée par une résurgence aqueuse naturelle à fort débit, il fut non moins curieux d’apercevoir les superstructures des bassins de captage pavoisées aux couleurs de la Belgique.

Le même soir une surprise m’attendait car l’organisateur local vint me dire :  " demain vous déjeunez avec un roi ! " Pensant qu’il s’agissait d’un grand personnage du pays ; je lui répondis en ce sens en m’amusant d’un tel propos. Non !Non ! Il s’agit de Bédouin1°. ; je fus donc confirmé dans ma pensée qu’il s’agissait d’un roi autochtone, mes je finis par réaliser qu’en raison des drapeaux belges vus dans l’après midi il s’agissait de la visite du Roi des Belges Baudouin 1°, ce que me certifia mon interlocuteur qui ajouta: " Si la reine Fabiola est avec lui votre femme sera invitée, sinon vous viendrez seul au repas. " Cela nous rendit perplexe . Le lendemain nous étions habillés comme il convenait à un tel événement, avant 7h30 heure du départ du seul car qui chaque matin nous amenait de l’hôtel au Campus situé à 15 km de là.

Il fallut attendre à l’entrée du collège, par une assez forte chaleur, depuis midi jusqu’à l’arrivée du Roi. Jeune d’allure, tête nue et en simple complet, celui-ci n’apparut que vers 14 heures …..et sans Fabiola. C’était désolant pour mon épouse car il était trop tard pour qu’elle se rende à la cafétéria.

L’organisateur local vint alors me demander d’accueillir Baudouin à l’entrée de la galerie d’accès de la salle à manger spécialement réservée à un banquer d’hommes. Quand le Roi y parvint avec sa suite j’allai à leur devant pour saluer sa Majesté et lui présenter quelques personnes du Congrès qui m’entouraient dont mon épouse et un certain  marquis qui disait avoir eu un grand-père sénateur belge. Il se trouva que ce marquis, très ému, hésita quelque peu en disant au Roi qu’il croyait que son grand-père avait occupé cette fonction, et Baudouin souriant de répliquer : "  Vous le croyez , ou vous en êtes sûr ? " ce qui amusa l’entourage. Mais la simplicité et l’amabilité de Baudouin finit par donner à ce court entretien un grand caractère de bonhomie qui mit tout le monde à l’aise et l’on passa alors dans la salle à manger….ainsi que mon épouse que l’on plaça loin des regards des 200 convives dont la plupart étaient vêtus à la mode saoudienne.

Guidé vers la table d’honneur, j’étais placé, très prés du Roi, entre l’ambassadeur de Belgique et le grand chambellan de la cour. Devisant avec mes aimables voisins, je me hasardais, sans grand espoir à

demander au grand chambellan, maître des cérémonies, si sa Majesté nous ferait l’honneur d’une visite lors de notre séance de clôture de l’après midi et nous adresserait la parole. J’avais eu le temps de voir que ce haut personnage de la cour réglait le protocole dans le moindre détail , disant au Roi tout ce qu’il devait faire sans que le moins du monde celui-ci perde sa dignité et son sourire. Le grand chambellan me répliqua immédiatement : " Il est peu probable de voir venir le Roi à votre séance de clôture ; quant à y parler, il n’en est pas question. " C’était sans recours.

Le très copieux repas fut avalé avec célérité. On se leva et Baudouin guidé par son chambellan se pressa de courir vers l’accomplissement de son programme. Je savais qu’une visite était prévue au complexe pétrolier et à des travaux hydrauliques avant qu’il se rende à Ryad, la capitale, pour y rencontrer le Roi du pays. Tout ceci, probablement, au pas de charge.

Pour nous la visite royale appartenait déjà à un événement du passé ayant traversé à toute allure notre ciel du congrès. Mais, oh ! Surprise ! Alors que je dirigeais la séance de clôture, l’assistance vit s’ouvrir portes et tentures au niveau des fauteuils du premier rang.

Le Roi et sa suite pénétrèrent dans l’amphithéâtre pour aller prendre place devant notre estrade dans les fauteuils que nous avions laissés libres, après nous avoir salués cependant que les congressistes se mettaient tous debout..

Baudouin eut alors l’amabilité d’écouter ,pendant plus d’un quart d’heure, nos discours et conclusions, puis il se leva , nous salua en souriant et disparut suivi de ses accompagnants, laissant l’assistance ravie de cette visite qui lui parut impromptue.

J’ai gardé de cette rencontre le souvenir d’un souverain très aimable, courtois, et…finalement, plus volontaire qu’il n’y paraissait